Marcel GRANDJANY

Grandjany Marcel Grandjany est né le 3 septembre 1891 à Paris. Son père travaillait chez Erard, et cet homme disparut de ses souvenirs comme ceux qui n'étaient pas liés à sa famille. Quoiqu'il en soit, le frère du père, Lucien, était un célèbre organiste et professeur d'orgue et de solfège au Conservatoire, camarade de classe de Debussy, et élève de Franck et de Massenet. Bien que Lucien soit mort l'année où Marcel Grandjany naissait, ses talents et réalisations inspirèrent l'enfant, qui le décrivit plus tard comme "un parfait musicien dont le souvenir influença tant mes premières années" Sa mère mourut quand il avait quatre ans, et le fait de se remémorer marchant derrière son cortège funèbre suffisait à remplir ses yeux de larmes.
L'enfant fut élevé par des parentes: une tante du côté de son père, et une cousine, Juliette Georges Grandjany, qui avait obtenu deux prix: l'un en classe d'harmonie, et l'autre en classe d'accompagnement, au Conservatoire. C'est elle qui guida ses premières études. En petit prodige, Marcel Grandjany eut son Premier Prix de solfège à la fin de sa seconde année au Conservatoire, avec Noël-Gallon.
Juliette présenta le jeune garçon à son amie Henriette Renié, qui lui donna des leçons gratuitement: leur relation, affectueuse et amicale, dura dix ans, et il s'est toujours proclamé comme un pur produit de son enseignement, tandis qu'elle le présentait comme "mon magnifique disciple". Cependant, un élève du Conservatoire devant étudier avec Hasselmans, Marcel Grandjany rentra dans sa classe en 1902, tout en continuant de prendre des cours avec Henriette Renié. A cette époque, Hasselmans et Renié étaient en mauvais termes, et le vieil homme, réputé pour être un professeur dur et parfois grossier, fit sentir son mécontentement à l'enfant, qui, intimidé, pouvait difficilement répondre à son professeur.

En 1905, à l'âge de 13 ans, il remporta brillamment le 1er Prix de harpe, premier nommé sur quatre Premiers Prix. Hasselmans l'avait empêché de concourir l'année précédente, lorsque l'lmpromptu de Fauré fut imposé, et que Micheline Kahn eut alors la médaille. En 1909, Marcel Grandjany obtint son 1er Prix d'harmonie, et également un Prix de contrepoint. Ses études au Conservatoire terminées, Grandjany entama une carrière de soliste et de professeur de harpe. Henriette Renié lui fournit un petit nombre d'élèves. Il concourut pour le prix de Rome en 1913, mais dut se désister pour cause de maladie. (Les règles sévères de ce concours pourraient facilement faire l'objet d'un autre article.)

Les années de la 1ère Guerre Mondiale mirent fin à la vie de nombre de ses amis, et il fut lui-même appelé sous les drapeaux. Il décrivait de façon vivante comment il avait été envoyé avec d'autres jeunes gens dans une pièce pour assembler un uniforme mal assorti à partir des différents habits dont le sol était jonché. Beaucoup furent envoyés immédiatement au front après un léger entrainement. Dispensé du service actif pour cause de santé, il mit sa harpe de côté pendant toute la durée de la guerre, en signe de protestation, et fut assigné à un travail de bureau à la Gare du Nord, ce qui lui permit de travailler à temps partiel en tant qu'organiste-chef de chœur au Sacré Cœur. Il semble avoir été largement autodidacte à l'orgue; son talent fut découvert lorsqu'un ami lui proposa de venir improviser à la sortie de la messe.

La guerre finie, Grandjany rencontra sa future femme, Georgette Boulanger, qui était une élève de sa cousine Juliette. Elle était née aux Etats Unis, de parents français et vivait en France depuis ses 13 ans. Ils se marièrent en 1919. C'était une belle jeune femme, qui apparemment avait une très jolie voix, mais qui souffrait énormément du trac et qui abandonna rapidement la scène pour laisser son mari faire des concerts. Il continua sa carrière en tant que harpiste solo des Concerts Lamoureux, et en 1921 il eut 1'honneur d'être invité à créer la classe de harpe au Conservatoire Américain de Fontainebleau, rejoignant quantité de collègues prestigieux.
Quintette de ParisIl créa le Quintette Instrumental de Paris en 1922, et le Groupe inspira la composition de nombre de nouvelles oeuvres majeures. Pierre Jamet le remplaça lorsque la carrière de Grandjany se développa aux Etats Unis.

Il donna son premier concert américain le 7 février 1924 à New York, et continuait de donner parallèlement des concerts en Europe et au Canada. Mais les temps étaient durs, et la Grande Crise ne fit rien pour aider les arts. Petit à petit, il jouait davantage avec les plus grands orchestres et chefs, et il rendait généreusement honneur à la sœur de sa femme, qui, étant restée aux USA, aidait le jeune couple à survivre durant ces années. Un jour, alors que j'exprimais ma joie de voir le nom de mon professeur sur la couverture d'une partition que j'étais en train d'étudier, il dit: "ma chère, les éditions des partitions et les concerts aident à construire le nom, mais c'est de l'enseignement que nous vivons réellement. "
Ceci est encore le cas pour presque tous les solistes concertistes.
En 1936, le régime nazi fit émigrer la famille aux Etats Unis, famille qui comptait à présent leur seul fils. Bernard Grandjany avait toujours été chaleureusement accueilli aux Etats Unis. Deux ans après, il fut nommé à la Juilliard School, et il occupa ce poste jusqu'à sa mort. Il devint citoyen américain en 1945, mais il ne fait pas de doute pour moi qu'au plus profond de son cœur il restait français. Je lui ai un jour demandé pourquoi il n'était pas resté en France. Il répondit que les nominations aux places les plus importantes dans son pays natal étaient vraiment très influencées par la politique, qu'il fallait pour avoir un poste en faire la demande à divers hauts fonctionnaires, et qu'il y avait simplement beaucoup trop de candidats avant lui. Pourtant, il ajouta que moralement il n'aurait pas pu rester ici si l'Eglise Catholique Américaine n'avait pas été la même que l'Eglise qu'il avait connue en France. Il avait un caractère profondément pieux, et lorsque la messe ne fut plus dite en latin, il fut très affecté et perturbé par ces changements, bien qu'il les acceptât docilement. En effet, il communiait tous les jours jusqu'à ce que sa santé le mette dans l'obligation de renoncer à cette pratique, à la fin de sa vie. Le jour de ses concerts, il avait l'habitude de passer la journée à prier. Je suis sûre qu'une vie monastique l'aurait énormément tenté, et je suis tout aussi sûre qu'il aurait préféré vivre de la composition, mais que financièrement cela n'était pas possible. Chacune de ces deux possibilités montrent sa nature réservée, et le fait que son entourage ait été exigeant avec lui pendant son enfance a provoqué en lui le comportement inverse: il témoignait une grande gentillesse envers chacun, même lorsque certains élèves ne le méritaient pas ! Un jour nous parlions de son fils, Bernard, qui d'après Grandjany possédait des dons certains en musique, mais, continuait le maître: "je ne voulais pas lui faire endurer ce que j'ai vécu" Bien qu'Henriette Renié et lui eurent une relation proche et pleine d'affection, elle avait une personnalité très forte et dominatrice, et Georgette me confia à l'occasion: "...franchement, elle me terrifiait !" Les enfants de cette époque étaient sujets à des standards de discipline qui choqueraient un enfant américain d'aujourd'hui.

Il mourut dans des conditions financières favorables, et très aimé par ses admirateurs américains. Jusqu'ici, la famille avait toujours continué la vie simple qu'elle avait connue à Paris. Mme GrandJany allait tous les jours faire son marché dans le quartier avec son filet à provisions à la main, et inspectait soigneusement les élèves de son mari pour être sûre qu'ils étaent convenablement habillés. Nous savions tous qu'elle n'était jamais loin de nous
!

Extrait de l'Hommage à Marcel Grandjany
par Janes B. Weidensaul
Traduit de l'américain par Myriam Serfass
Bulletin Automne-Hiver 2000 de l'AIH
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