Henriette RENIÉ

H.Reinié (Paris, 1875-1956)
A moins de cinq ans, ses dons musicaux se manifestaient déjà, jouant du piano à quatre mains avec sa grand-mère. Ce fut au même âge qu'elle a déclaré vouloir jouer de la harpe, après avoir entendu
Hasselmans dans un concert donné à Nice où chantait son père, élève de Rossini. Mais elle était trop petite pour pouvoir atteindre les cordes et il fallut attendre qu'elle ait huit ans pour pouvoir commencer à travailler. De plus, son père inventa un système de hausse pédales pour lui permettre de jouer d'une façon normale (la harpe celtique n'existait pas alors). Ses progrès furent foudroyants. D'auditrice aux classes du conservatoire, elle devint bientôt élève, et à l'âge de dix ans, elle fut présentée au concours de cette année-là. L'ensemble du jury vota pour qu'elle ait un premier prix, mais le directeur s'y opposa afin qu'elle ne soit pas laissée sans direction après si peu de temps d'études.Ce fut seulement l'année suivante que le jury lui décerna, à elle seule, le premier prix devant un public déchaîné d'enthousiasme.
Elle continua à travailler avec
Hasselmans avant de pouvoir entrer en classe d'harmonie à treize ans. ( Un an plus tôt que le règlement ne l'autorisait, en raison de la qualité de son premier prix de harpe. )

Elle suivit les classes de fugue et de composition où elle se trouva être la seule jeune fille. Toutefois, elle ne voulait pas composer craignant de se singulariser. Seules, Cécile Chaminade et Augusta Holmès étaient compositrices à cette époque. Il a fallu que Théodore Dubois, Ambroise Thomas et Massenet la persuadent de le faire pour qu'elle s'y décide enfin.
En classe de composition elle écrivit les deux premiers mouvements du « Concerto en ut mineur » qui, lorsqu'elle l'eut terminé quelques années plus tard, et présenté à
Camille Chevillard donna à celui-ci l'idée d'introduire la harpe en tant qu'instrument soliste avec accompagnement d'orchestre dans les grands concerts symphoniques et demanda à H. Renié d'en être l'interprète. Jusque là à Paris aucune des grandes société symphoniques du dimanche n'avait sorti la harpe de sa fonction d'instrument d'orchestre. Or, c'était à ces concerts que le public découvrait les notoriétés musicales de l'époque.
La création du « Concerto en ut mineur », par son auteur eut lieu le 2 mars 1901 aux concerts Lamoureux. Ce fut un immense triomphe pour l'interprète, pour le compositeur et pour la harpe. A la suite de cette première audition, la harpe prit place comme instrument soliste dans les grands concerts.
Les premières oeuvres d'auteurs de l'époque qui suivirent cette exécution furent entre autres:
- « Fantaisie de
T. Dubois;
- « Choral et variations » de
Charles-Marie Widor;
- « Concerstuck » de
Gabriel Pierné, et d'autres encore.
H. Renié a été la première harpiste à jouer « les Danses Sacrées et Profanes » de
Claude Debussy. Celui-ci les avait écrites pour harpe chromatique mais cet instrument n'ayant pas d'avenir, H. Renié en a fait la transcription pour harpe à pédales. C'est ainsi qu'elle fut amenée à être la première à les exécuter.
De santé fragile, ses concerts étaient toujours une épreuve physique qu'elle surmontait courageusement. Sa dernière apparition en public eut lieu le 30 mars 1944 à la salle du conservatoire où il était demandé aux lauréats les plus célèbres des cinquante dernières années de venir jouer leur morceau de concours.
Cortot, Maurice Maréchal, Lubin, Dussane et bien d'autres se produisirent à cette occasion. Les auteurs étaient Chopin, Haydn, St-Saens, etc. H. Renié pensait que l'exécution du « Concertino d'Oberthur » ferait un effet ridicule à côté des autres oeuvres, la salle étant remplie surtout d'artistes réputés. A sa stupeur, elle retrouva les ovations formidables comme à la réception de son premier prix. Henri Busser prétendait qu'elle avait « raflé » tout le succès de la soirée.
Elle est morte le 1 er mars 1956 dans son petit hôtel de la rue de Passy, laissant un souvenir ineffaçable dans le coeur de tous ceux qui l'avaient approchée. Comme disait d'elle
Bernard Gavoty: « La Harpe lui doit ce que la guitare doit à Segovia, d'avoir conquis dans le public ses lettres de noblesse ».
 
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